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S’OFFRIR À L’AUTRE … OU LE POSSÉDER…

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Nous avons été fait humain, avec des forces, des faiblesses et différents degrés de conscience. Et en conséquence, il arrive que nous agissions différemment les uns des autres dans nos manières de s’offrir à l’autre. En relation aidante, j’ai été appelée à coacher sur une période de plus de six (6) années, une clientèle atteinte de cancer ainsi que leurs proches aidants. Le coaching est un échange entre le thérapeute et son client.  C’est une relation étroite qui fait grandir autant celui qui offre le coaching que celui qui le reçoit. 

J’ai eu envie de vous partager cette histoire afin de faire réfléchir sur le sujet suivant : S’offrir à l’autre ou le posséder. La question à se poser est la suivante; relationnellement parlant (et on peu l’appliquer à tout type de relation), est-ce que je m’offre à l’autre ou je ne fais que le posséder et/ou utiliser pour mes besoins personnels et mon propre bien-être ?

Maintenant, puis-je répondre à celle-ci en toute intégrité ? Est-ce que j’ai suffisamment d’amour pour l’autre qui partage son temps de vie avec moi, pour ne vouloir que son bien-être et sa santé au-delà de mes petits besoins, mes états d’âmes, mon propre bonheur et mon petit soi ? S’offrir à l’autre n’est seulement une consigne pour l’autre ?

Au fait !!! Suis-je un minimum conscient qu’il existe une autre personne aussi dans l’équation et qu’elle doit, par moment, se tourner vers elle-même pour livrer ses propres batailles ? S’offrir à l’autre c’est aussi lui laisser de l’espace…

Son visage remonte régulièrement à mon esprit, sans raison apparente. Mais, en cette période, ça s’intensifie. Je suis dans un Relais pour la vie et c’est en ce moment, l’ouverture de la marche des survivants. Je ferme les yeux quelques instants et je le vois. Il fait parti de ceux qui ont touchés mon cœur et mon âme.

J’aurais souhaité le voir faire ce premier tour de piste ! J’aurais aimé le regarder fièrement porter le chandail jaune qui qualifie ma clientèle dans cet événement de survivants, je me vois tellement l’applaudir. Mais ce n’est pas le cas.  Il brille de son absence. À la brunante, j’allumerai un luminaire en sa mémoire. Toute la soirée, il m’accompagne et habite mes pensées…  Je ne peux que me remémorer en ce moment cérémonial son histoire.  J’ai eu envie de vous la partager….

S’offrir à l’autre ou le posséder… 

Cette semaine-là, lorsque je sortais pour mon heure de lunch, il y avait ce grand gaillard de plus de 6 pieds, mi-cinquantaine, en train de faire les cent (100) pas devant notre établissement. Mais bon, c’est le centre ville de Saint-Jérôme, ce n’est pas alarmant d’y voir une personne faire les cent (100) pas. 

Le vendredi, après une longue semaine d’hésitation, il semblerait qu’il ait pris son courage à deux mains et il est entré pour demander de l’aide. J’étais sur le point d’aller dîner. J’ai senti que je devais le recevoir. C’était maintenant ou jamais. J’ai mis mon estomac sur pause et j’ai accepté de le recevoir en consultation sans rendez-vous.  Ça m’arrive fréquemment, c’est aussi une manière de s’offrir à l’autre face à soi… 

Ce qui n’est pas fréquent, c’est qu’un homme vienne demander une consultation. Ah nos hommes, ils sont forts et vigoureux et ils préfèrent vivre leurs trucs par en dedans.

J’ai passé plus de deux heures avec lui. Il avait besoin d’y voir plus clair. Il était embrouillé. Assoiffé d’une écoute, d’un regard, d’une main tendue, de compassion pour son tourment.  Il avait un grand grand besoin de ventiler, de se confier. 

Il m’avoue avoir eu énormément de difficulté à franchir le seuil de nos locaux. C’est un homme, ce n’est pas dans ses habitudes de devoir demander. Il gère tout et le fait tout seul. Il est fort. C’est lui le pilier de la famille. C’est lui qui voit à tout. 

Ses enfants sont grands et n’habitent plus la demeure familiale. Sa seconde femme est plus jeune que lui. Une quinzaine d’années en âge les séparent.

Il me raconte son histoire. Il y a dix (10) ans, il recevait un diagnostic de cancer du rein. On lui a retiré le rein atteint par chirurgie. Ensuite est arrivé le protocole de chimiothérapie qui lui a sauvé la vie, ainsi que la médication pour quelque temps.

Elle aimait l’été…

Il m’explique que cette période a été extrêmement difficile pour son couple. Sa jeune femme aimant la vie, elle veut bouger car elle carbure aux activités extrêmes et sportives (moto, quatre roues, bateau). Elle supporte mal le fait qu’il soit malade, diminué et affaibli par la maladie, la chimiothérapie lui laissant peu d’énergie pour ouvrir le chalet d’été ou préparer les activités estivales.

Il aime sa femme, éperdument. C’est son soleil. Sa joie de vivre, elle représente tout pour lui. C’est un devoir pour lui de s’offrir à l’autre.

Il m’explique tout ça la gorge nouée par l’émotion. Il ne veut pas la décevoir à nouveau. Il ne veut pas revivre cette période considérée comme un enfer pour son couple. Il est dans la peur de la perdre à jamais. 

Un nouveau cancer a fait irruption sur le seul rein lui restant. On lui propose un nouveau protocole de chimio et tout les autres inconvénients y reliés. Mais, cela induit qu’il passera l’été couché, peut-être le début de l’automne aussi abattu et incapable de maintenir la cadence et le rythme effréné des activités de sa douce. 

A l’écoute de son histoire, j’ai mes yeux qui semblent vouloir flirter avec l’océan.  Je ne comprends tellement mais tellement pas. Mais, je ne suis pas-là ni pour comprendre ni pour juger pas plus que réagir émotionnellement. Je suis-là pour écouter avec empathie, apaiser, réconforter dans un premier temps et  évaluer ses besoins pour offrir à mon client des références sur les options se trouvant face à lui ainsi que toutes les ressources possibles pour qu’il ait une meilleure qualité de vie.

Il me demande de l’éclairer sur le refus de traitement. Il a besoin d’être rassuré et savoir comment se passera le chemin qui le conduira vers la fin de sa vie.  Il aimerait un chemin le moins cahoteux possible .  Je dois me résigner sur mon désir de lui parler de soins curatifs pour lui lui trouver les meilleurs soins palliatifs et éventuellement de fin de vie. 

Il a peur de mourir mais sa peur de perdre sa bien-aimée est plus grande. Il est catégorique même si je soulève certains points de réflexion. Je dois donc le diriger le plus efficacement possible sur la route du paradis.

Il ne veut pas suivre le protocole de chimiothérapie proposé par son équipe soignante. Il préfère de loin rester le plus longtemps possible en forme et actif pour être à la hauteur des attentes de celle à qui il a remis son cœur. Elle aime l’été et lui c’est elle qu’il aime.  Tout ce qu’il souhaite, c’est s’offrir à l’autre et la voir heureuse, il veut qu’elle passe un bel été.

Je suis vraiment remplie d’incompréhension. C’est une terrible bataille interne pour moi de rester sereine, calme, dans l’écoute et surtout dans le respect de la décision de mon client. Mais je suis humaine et intérieurement, je bouille et me surprends à détester cette femme que je ne connais même pas.

La bonté émane des yeux de ce grand gaillard. J’aimerais le prendre dans mes bras et le bercer. Lui offrir du réconfort pour compenser la qualité de présence que sa bien-aimée ne semble pas lui offrir. Mais ce n’est pas mon rôle et je réalise que je suis dans le jugement et que je spécule.

Je fais donc mon travail au meilleur de ma connaissance et je le ressource… Cancer j’Écoute, Soins palliatifs, ancien collègue de travail en milieu hospitalier qui est technicien de vie spirituelle et communautaire pour les grandes questions de fin de vie.  Je réussis quand même à l’intégrer à nos ateliers  de visualisation.

Pour ce succès, j’ai pu le voir les 8 semaines consécutives qui ont suivies. Nos ateliers lui faisaient du bien et apaisaient son anxiété grandissante face à la mort qui approchait. La visualisation l’aidait à gérer son stress en lui fournissant de bons outils et de bonnes techniques de respiration afin qu’il arrive à se créer des moments de calme, de détente, de paix intérieure et apaiser ce tiraillement qui l’habitait. 

Au dernier atelier, il m’a fait demander afin que je me joigne aux participants pour un partage. C’est que je les aime moi mes clients(es) et ils/elles me le rendent bien.  Chacun a voulu livrer un petit témoignage de leur expérimentation en visualisation mais il tenait particulièrement à me livrer un message. 

Quand fut venu pour lui le moment de prendre la parole, il m’a regardé droit dans les yeux.  J’ai senti la totalité de la présence de son âme.  Il expliqua aux autres participants comment c’était dérouler notre première rencontre. Il voulait m’exprimer toute sa gratitude et sa reconnaissance pour l’accompagnement que je lui ai offert.  Un flot de larmes incontrôlables se déclencha sur mes joues lorsqu’il expliqua, cette journée-là, s’être senti accueilli par un ange.

Ce fut la dernière fois que je l’ai vu conscient et animé. J’ai eu le privilège à ce moment de recevoir un gigantesque câlin d’un gigantesque gaillard rempli de bonté humaine. 

Je lui ai tenu la main…

Quelques mois plus tard, par une belle journée ensoleillée, j’ai appris par un collègue, qu’il était entré en maison de soins palliatives et fin de vie. Après mes heures de travail, j’ai pris un temps pour aller le visiter.

Il était seul, seul et inconscient. J’ai trouvé bien triste le fait de constater qu’il soit seul.  Mais c’était l’été, madame devait être bien occupée !  Je lui ai tenue la main quelque temps. J’ai perdu la notion du temps. Dans ce silence, j’ai laissé mon âme parler à la sienne.  J’ai bien senti un frisson monter le long de ma colonne pour se terminer dans chacun de mes deux bras.  Je crois que lui aussi l’a senti car il a frissonné à son tour.  Mais je sais qu’il n’a su consciemment que j’étais passée.  En soirée, je suis parti. Il ne s’est jamais réveillé. 

Ça fait un peu plus d’un an maintenant que ce grand gaillard de plus de 6 pieds, aux yeux pleins de bonté, est décédé. Je pense à lui depuis le début de mes relais ou c’est lui qui pense à moi, je ne saurais vous dire laquelle des deux options est la bonne. 

Une chose est certaine. Malgré le temps qui passe, malgré que je sache que ce n’est pas vraiment bien, qu’avec tout le travail que je fais sur ma personnalité, sur mon ego, bien je vous avoue que je suis toujours incapable d’avoir de bons sentiments pour une certaine femme que je ne connais toujours pas. Une femme qui a préféré le voir s’éteindre dans la souffrance et sans protocole de chimiothérapie pour pouvoir passer un plus bel été, pour pouvoir s’amuser et faire la fête.

Que se passe t-il donc dans le cœur d’une personne pour ne plus reconnaître l’amour que nous devrions nécessairement offrir à l’autre qui partage notre vie ? Que se passe t-il pour que nous nous arrêtions de s’offrir à l’autre et que nous ne fassions que vouloir le posséder ? 

C’est beau l’amour quand l’amour est dans l’effacement et le dépassement de son soi personnel pour soutenir l’autre, continuer à l’aimer, même quand cela signifie que l’autre a besoin de soutien. L’amour est patient, l’amour est bon. L’amour ne fait rien de honteux. Il n’est pas égoïste, il ne s’irrite pas. L’amour permet de tout supporter.

Avec mon coeur…

Je souhaite de tout mon cœur que cette histoire saura toucher le vôtre. Qu’elle vous amènera dans un espace de réflexion, pour vous faire vous questionner sur la qualité de la présence que vous offrez à l’autre, qu’il soit mari, enfant, membre de la famille, ami, collègue ou client.

Ce texte aura-t-il un impact ? Aura-t-il le pouvoir de changer certains automatismes inconscients ? Bref, si par mon partage j’arrive à ne faire réfléchir, ne serait-ce qu’une seule personne sur sa qualité de présence face à l’autre, j’aurai réussie.

Moi, cette expérience vécue, bien elle m’a permis de me regarder le petit nombril. Elle m’a permis de devenir témoin de mes propres agissements relationnels et de prendre encore plus conscience des autres face à moi et de ma manière d’interagir avec eux.

Je crois qu’on est vivant pour incarner l’amour. On est vivant pour devenir la plus belle version de la plus grande version de qui nous sommes en réalité. Tout le reste importe peu. Ce reste cherchera à vous agripper, vous retenir et vous faire croire qu’il y a quelque chose de plus important que l’autre face à soi. Mais tout ce reste n’importe que très peu.

Incarnons l’amour, que l’amour. L’amour pour soi certes, mais l’amour de l’autre aussi. Car l’autre, c’est aussi moi !  Nous sommes tous reliés, nous sommes UN ! Ne dis t’on pas : we are one ?

JUST BE !    

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